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BEN : Le rire vert

BEN : Le rire vert

Le 02/05/2017

Ben est un miroir. Celui de nos contradictions face à une société de consommation que l’on voudrait plus responsable et vertueuse.

© Arnaud Tracol - Marie Bastille

Ben est un miroir. Celui de nos contradictions face à une société de consommation que l’on voudrait plus responsable et vertueuse. Avec son one-man-show Ben, Éco-responsable, l’humoriste Cédric Ben Abdallah fait le choix de l’humour, du décalé et de l’absurde pour nous interroger sur les façons d’être, non pas écolo, mais « éco-responsable ». Lassé des discours politiques, de l’entre-soi (la bonne conscience bobo – mais est-ce un gros mot ?), il prône l’action individuelle et délirante.

 

Sur le flyer de votre spectacle, vous vous définissez comme « écolo-sensible », mais pas écolo tout court, pourquoi ?

Quand on dit écologiste, on a en tête le parti politique, un parti dont les scores filent d’ailleurs un peu la honte… En tout cas, ce ne sont pas eux qui m’ont donné envie de m’intéresser à l’écologie et surtout, je ne veux être associé à aucun parti.

 

Qu’est-ce qui vous agace dans le terme écologie ?

Il n’y a pas qu’une seule façon de présenter l’écologie. Il y a bien sûr les politiques qui sont plus ou moins sincères. Et surtout la grande majorité d’entre nous qui ne s’investit pas dans la politique politicienne, mais qui agit au quotidien avec des actions citoyennes. Je n’essaie pas de convaincre le public car je ne crois pas que ce soit possible, j’essaie d’abord d’être en accord avec ce que je pense.

 

Être écolo-responsable plutôt qu’écologiste, ce n’est pas une forme de greenwashing ?

Non pas du tout, c’est simplement pour ne pas tromper le public sur ce que je suis. Je ne vais pas faire la morale au type qui roule au diesel. S’il le fait, c’est qu’il n’a pas forcément le choix. En revanche, j’ai beaucoup d’espoir avec les nouvelles générations. Elles ont intégré des réflexes qu’on n’avait pas : le tri des déchets, l’utilisation de l’eau, de l’énergie… Pour ma génération, ce n’était vraiment pas un sujet. Je vois aussi que pour beaucoup de jeunes, il est inenvisageable d’acheter une voiture, ce n’est plus du tout un truc important pour devenir adulte, c’est presque de la science-fiction.

 

Dans votre spectacle, vous parlez de la fin de la croissance en tant qu’horizon économique viable. Vous considérez-vous « décroissant » ?

Je ne sais pas, je fais partie d’une génération à qui l’on a appris à aller au supermarché sans se poser de questions. Mais je ne comprends pas qu’on puisse consommer davantage, le « toujours plus » et la croissance infinie ne peuvent être viables pour la planète. On pourrait parler de croissance verte*, à la limite, c’est ce qui se rapprocherait le plus de la consommation responsable pour arrêter de tout cramer. Ou plutôt de transition vers un autre modèle…

 

Pourquoi avoir choisi de faire un spectacle sur la bio et l’écologie ?

J’avais déjà deux trois phrases dans mon précédent spectacle, et mon coauteur et ami Thibault [Thibault Segouin, coscénariste du spectacle Ben Eco-responsable, NDLR] m’a suggéré de faire un truc un peu plus poussé sur l’écologie. On s’est rendu compte que nos conversations tournaient toujours un peu autour de ça. Mais je ne voulais pas non plus que cela devienne une conférence sur l’écologie. J’avais cette sensibilité à l’environnement depuis longtemps et j’en avais un peu marre des idées reçues, des petites réflexions qu’on me faisait, du dénigrement de la bio…, alors je me suis dit : Si vous voulez qu’on en parle et qu’on argumente sur la bio, je ne suis vraiment pas convaincu d’avoir tort !

 

Quels sont selon vous les clichés associés à la bio ?

C’est le côté « bande d’idiots naïfs qui se racontent une blague ». Pourtant, manger une pomme produite dans des conditions respectueuses de l’environnement, c’est plutôt louable non ? Ce qui m’agace aussi, c’est le « retour sur investissement du bio », un bénéfice pour sa petite personne, là tout de suite : si je mange bio et je vais vivre 150 ans ! Peut-être et même tant mieux (quoique !), mais ce n’est pas le fond du problème ni le but. Ce qu’il faut, c’est d’abord un projet qui encourage un mode de production différent et qui ne laissera pas à nos enfants des sols pourris par des années d’agriculture intensive.

 

Mais alors c’est quoi la bio selon Ben ?

La bio qui redonne de l’espace aux citoyens en ne les traitant plus comme de simples consommateurs mais bien comme des citoyens avisés à qui l’on donne les clés pour trouver des réponses aux interrogations : ça vient d’où ? C’est fait par qui ? Est-ce que je peux appeler le mec [producteur, NDLR] et lui poser des questions ?

Quand on va faire des courses, on génère un monde, un environnement. On peut choisir de le financer différemment… Dans quel monde voulons-nous vivre ? C’est cette question-là que je me pose. Il ne faut plus attendre de la politique qu’elle change les choses, elle ne changera rien. Ce sont les marchés qui font la loi. Mais nous pouvons influer sur le cours des choses : si nous décidons ne plus acheter ça par exemple [il désigne son smartphone, NDLR], le pouvoir de cette entreprise qui le fabrique n’existe plus, du jour au lendemain. Le pouvoir est là, il est dans la consommation.

  

Manger bio requiert-il un effort ? De quel ordre ?

Si on pousse le raisonnement jusqu’au bout, oui ! Il faut prendre conscience des limites que cela impose et on n’est pas habitués à ça, respecter les limites, et on nous a pas du tout appris ces limites. J’achète des produits de saison, moins d’emballage, des produits locaux… C’est parfois compliqué. Mon fils et moi, on adore les bananes mais il n’y en a pas trop dans la région alors on mange davantage de pommes, et quand j’achète des bananes – je ne suis pas parfait –, j’essaie de savoir comment elles sont venues, bateau ou avion. C’est une exigence.

 

Avez-vous une recette bio préférée ?

Ce sont les mêmes que les pas bio… mais avec des produits bio ! En famille, on cuisine beaucoup en cuisson vapeur à basse température, sans sauce ni assaisonnement et c’est un délice !

 

Que vous chuchote à l’oreille l’écureuil sur votre affiche ? Pouvez-vous nous assurer qu’il a été correctement traité durant les prises de vue ? 

Il me dit : « Mais souris ! Tout le monde te voit, alors souris. » Et oui, je vous garantis qu’il a été correctement traité !

 

* Croissance économique et développement qui veillent à ce que les actifs naturels continuent de fournir les ressources et services environnementaux dont dépend notre bien-être. Définition de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

 

Bio express

Ben naît le 20 juin 1979 à Nanterre (92) et grandit à Nevers (58). Il arrête ses études alors qu’il est en Terminale et décide d’aller vivre à Paris. À cette époque, il ne se prédestine pas particulièrement à un avenir d’humoriste et enchaîne les petits jobs. En 2001, il écrit ses premiers sketchs. Il présente son premier one-man-show en février 2006. Chroniqueur télé et radio, il joue dans la série Les Invincibles, diffusée sur Arte, et plus récemment dans la série Nina, sur France 2. Ben poursuit ses spectacles sur scène et participe à nombre de festivals d’humour. Toutes les dates de sa tournée sont sur sa page Facebook Ben – Éco-responsable.

 

Retrouvez également l’interview de Ben dans CULTURE(S)BIO n°93, magazine offert par votre magasin Biocoop, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger sur Biocoop.fr

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